vendredi 12 août 2022

Les acteurs de House of the Dragon en couverture de Emmy Magazine


House of the dragon, l'héritier du trône

Trois ans après la fin de Game of Thrones, un prequel se déroule à Westeros. Comment cette série de HBO prendra la suite de son aînée, multi récompensée aux Emmys ? Avec fierté et témérité. “On essaye... pas de la refaire, mais de l'honorer,” dit le cocréateur Ryan Condal. “On veut que cela paraisse comme une époque et un lieu différent.”

__ “Et si tu le centrais sur les femmes ?

__Miguel Sapochnik, réalisateur et producteur récompensé aux Emmys et aux DGA pour La Bataille des Bâtards, a reçu, sans surprise, cette suggestion de la part de son épouse, Alexis Raben, également collaboratrice dans leur compagnie de production.

__Sapochnik, il faut le préciser, a également réalisé les épisodes Durlieu et La Longue Nuit de Game of Thrones. Ces derniers, avec BotB, sont des chefs d'œuvres techniques, en plus d'être des spectacles remplis de testostérone, de sang et de tonnerre qui ont fait la marque de fabrique de la série et de la télévision prestige.

__Mais quand il a été question d'un spinoff de GOT - et de cette suggestion de Raben - Sapochnik était partagé. Chaque saison de Game of Thrones (il a réalisé deux épisodes pour la saison 5, pour la saison 6, pour la saison 8, en plus d'être le producteur exécutif de cette dernière) a engendré toute une année de travail. Il avait d'autres projets en développement, comme une série sur Conan, qui lui aurait accordé une pause de Westeros, pour la première fois depuis longtemps.

__Mais HBO voulait qu'il jette un oeil à un script, qui se passait 200 ans avant GOT et racontait l'implosion de la maison Targaryen. C'était un bon script. Il avait été adapté d'après le livre Fire & Blood de George R.R. Martin pour l'ami (et fan confirmé de GOT) de Sapochnik, Ryan Condal. Sapochnik, qui habite à Londres, s'est envolé à LA pour une réunion avec le président de la programmation de HBO, Casey Bloys, et la présidente du développement et de la production de la chaîne, Francesca Orsi. Ils lui ont demandé s'il était prêt à signer.

__ Sa réponse ? Peut-être.

__ “J'avais envie de travailler avec Ryan, mais je n'étais pas sûr de vouloir revivre tout ça à nouveau,” explique-t-il.


__ Sapochnik avait besoin d'une raison de le faire. Et il était bien conscient que, justifiée ou pas, Game of thrones avait la réputation d'être une série centrée sur des hommes et à destination d'un public masculin.

__ “Permettez-moi de préciser...” dit-il. “Il y avait [quelques] personnages féminins très forts dans GOT. Mais la série montrait également ces personnages féminins subir des violences. Cette perception est restée, parfois à tort.

__ Sapochnik était également conscient que son propre travail était réputé pour des séquences de bataille et des représentations graphiques de violence. “Je deviens plus vieux,” commence-t-il, “Et je trouve la violence difficile à regarder. Je ne veux pas montrer ça à l'écran sans une bonne raison.

__ Il a donc montré le script à Raben, qui lui a dit : “Et si c'était du point de vue des victimes ?” Du point de vue des femmes écrasées et montées contre la patriarchie qui domine l'univers médiéval de George R.R. Martin ?

__ “Ca a été une illumination,” se souvient Sapochnik. “Soudain, je voyais ces personnages et je me disais, pourquoi ne pas faire une série qui parle de la patriarchie, de son rapport avec les femmes, et du fait qu'on ne veuille pas être dirigés par des femmes ?

__ C'était également un moment de communion - bien que les partis impliqués n'étaient pas encore au courant du raisonnement de l'autre. Les réflexions de Sapochnik sur les femmes faisaient en effet écho à celles de Condal. Ainsi, les hommes qui deviendraient les showrunners de House of the Dragon étaient déjà sur la même longueur d'ondes.

__ Et ces lumières qui ont brillé pour Sapochnik et Condal - et avant eux, bien sûr, pour Martin - brilleront tout aussi fort le soir du 21 août. C'est quand House of the Dragon - l'un des spinoffs qui était considéré pour être développé en série quand GOT approchait de sa fin en 2019 - verra le premier de ses dix épisodes être diffusé sur HBO et HBO Max, renvoyant ses téléspectateurs de retour à Westeros.

__ Bien entendu, il n'y aurait pas de Westeros - pas de personnages, pas d'histoire, pas d'univers, de mythologie... - sans l'esprit de Martin, l'auteur des romans fantastiques sur lesquels GOT et House of the Dragon sont basés. Et Condal était le lien avec l'homme qu'on nomme “GRRM”.

__ “J'ai découvert ses livres à une époque où je me suis vraiment imprégné d'eux,” se souvient Condal. “C'était l'époque où j'ai moi même commencé à écrire.

__ Condal a rencontré Martin il y a une dizaine d'années, quand son premier pilote télévisé (The Sixth Gun) était en production. Le tournage avait lieu à Santa Fe, Nouveau Mexique, où vit Martin : Condal lui a passé un coup de fil, et les deux hommes se sont rencontrés pour dîner.

__ Le courant est bien passé, et ils sont restés en contact. Quand Martin était de passage à LA - en général en septembre, pour récupérer ses Emmy Awards pour GOT -, il retrouvait Condal. Il y a environ quatre ans, quand Martin était en ville pour la septième saison de récompenses de GOT, il a proposé Condal pour l'adaptation de Fire & Blood, sous le titre House of the Dragon.

__ Ce n'est donc pas une coïncidence que des nombreuses adaptations soumises, House of the Dragon soit la première à voir le jour à l'écran.

__ “Ce que je pense,” dit Condal, “c'est que Martin se soucie le plus des adaptations de ses livres. Beaucoup des autres histoires que HBO développait étaient ce que je qualifierai d'univers étendu. Pas des adaptations directes, contrairement à Fire & Blood, qu'il a écrit.

__ Et l'histoire des Targaryen est particulièrement chère au cœur de Martin, d'après Condal. “En dehors de ASOIAF, je crois que cette histoire est la plus chère pour lui, parce qu'on retrouve beaucoup son amour de l'histoire médiévale d'Angleterre là-dedans : il a énormément étudié cette période.

__ “Le roi Viserys est très important pour lui : il est l'un de ces personnages tragiques que je pense qu'il adore. Je crois qu'il voulait que tout ça soit pris en main par quelqu'un qui débutait avec la prose et l'aimait. Et ce quelqu'un, il s'est avéré que c'était moi.

__ Ensemble, Condal et Sapochnik ont créé un partenariat unique : une équipe de showrunners composée d'un réalisateur et d'un scénariste plutôt que de deux pigistes. Tandis que Condal apportait une équipe de scénaristes et les connaissances encyclopédiques de l'univers de Martin, Sapochnik apportait une esthétique de réalisateur et une méthode en continuité avec la série originale.

__ “Miguel dit toujours : si ce n'est pas cassé, ne le répare pas,” explique Condal. “L'une des nombreuse chose qui a si bien fonctionné avec la série originale était son ton, la façon dont elle était présentée ; c'était cet univers si réel, si tangible, violent, drôle, sombre, sensuel, vulgaire. On essaye... sinon de le reproduire, d'y faire honneur dans ce qu'on fait. Mais puisque notre série se déroule 200 ans plus tôt, nous voulions qu'on ait l'impression que ça prenne place à une autre époque et dans un autre endroit.

__ Fire & Blood, l'histoire du règne des Targaryen, a été soigneusement choisi. C'est une chronique composée des récits de trois narrateurs pas très fiables, racontant leurs versions des événements des années après qu'ils aient eu lieu.

__ “Ca laisse l'opportunité d'inventer,” note Condal, “et c'est un point de départ génial en tant qu'adaptateur. Vous n'avez pas autant de contenu avec lequel travailler, avec il faut broder. Mais si je sais déjà ce que sont les points A, B, C, D, E, F, G et les événements qui ont lieu, je peux écrire le raisonnement et ce qu'il y a entre tout ça, comme les conversations que le roi et la reine auront en privé dans leur chambre à coucher, qui n'auraient jamais été dans les chroniques officielles. Il s'agit de comprendre les personnages, et écrire autour de ça.

__ Quand la première saison démarre, la maison Targaryen est en paix. Le roi Viserys, malgré ses faiblesses de dirigeant, est un homme bon qui veut la paix dans son royaume et dans sa famille. Mais un conflit de succession entre son frère cadet turbulent Daemon, sa fille Rhaenyra et son ancienne amie Alicent ne tarde pas à déstabiliser le royaume.

__ “C'est une guerre civile,” résume Condal. “La famille se bat entre elle.

__ C'est aussi une guerre des genres. La princesse Rhaenys, adoubée “la Reine qui ne fut jamais” a un jour été considérée comme la meilleure candidate pour régner, mais elle a été écartée en faveur de son cousin Viserys. Sa dignité, son ressentiment et son accomplissement donne le ton pour la série.

__ “A notre première réunion, Miguel m'a dit que le cœur de la série est ma réplique, 'les hommes préféreraient passer le royaume à la torche plutôt que de voir une femme monter sur le trône,” se souvient Eve Best.

__ Avec Rhaenys, Alicent et Rhaenyra sont les autres perspectives féminines de House of the dragon, ces deux dernières étant montrées d'abord comme amies dans leur enfance et adolescence, puis rivales lorsqu'elles sont adultes.

__ “Au début de l'histoire,” raconte Emma D'Arcy, “on comprend que Rhaenys était la première en ligne pour hériter du trône, mais dans un contexte de consolidation de pouvoir masculin, le rôle a été attribué au père de Rhaenyra, Viserys. Donc on est directement dans un contexte où les femmes sont écartées. Pour qu'une femme prenne le pouvoir, il faut convaindre l'électorat et les soutiens que les alliés qu'une femme n'est pas 'autre chose'. Alors la question de la série c'est, comment faire ça ?

__ (Iel ne peut pas s'empêcher de noter que ce sujet est d'actualité. “On n'y est toujours pas arrivés : on est en 2022, sérieusement !”)

__ Olivia Cooke apparaît vers le milieu de la saison après un bon dans le temps de dix ans. “A ce stade, elle a trouvé son autonomie dans sa veste du rôle qu'elle a dans le royaume. Elle réalise qu'elle a plus de pouvoir qu'elle ne le croyait. Elle est un produit du patriarcat : elle a été endoctrinée par son père pour qu'elle ne comprenne pas l'étendu de son pouvoir.

__ Comme Sapochnik, Cooke précise que bien que Game of Thrones ait été perçue comme une série pour homme, les personnages de Cersei Lannister, Sansa Stark et Arya Stark se sont avérés être des femmes nuancées et en trois dimensions.

__ “Notre série semble suivre la même veine que ces personnages. Les scripts sont très, très bons. J'ai parlé avec Miguel et Ryan de ce qu'ils voulaient garder de la vieille série et de ce qu'ils voulaient qu'il soit différent : je sais que c'est un prequel, mais ça semblait très frais.

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