jeudi 11 février 2021

Inspirations & références littéraires, historiques, mythologiques ... [6/?]

 

___Pour cette nouvelle analyse, j'ai choisi de traduire une analyse très intéressante de Tower of the Hand, qui s'est intéressé aux parallèles entre les personnages et l'univers créé par Shakespeare, et ceux de George R.R. Martin...

__Les critères littéraires citent très souvent les nombreuses œuvres de William Shakespeare parmi celles des plus influentes de la culture occidentale. Shakespeare a inventé à peu près 1700 mots anglais et créé une incroyable complexité psychologique chez ses personnages, un aspect de l'écriture jusqu'alors rarement considéré comme prioritaire. Il a également montré au reste de l'Europe que l'Angleterre, sa culture et sa langue, avait ses mérites. Quand la reine Elizabeth I a écrasé les forces espagnoles, le jeune William en a fait de même sur le papier. Quand James I a succédé à Elizabeth en 1603, la place de Shakespeare a été élevée, et sa troupe de théâtre est devenue les hommes du roi. Pour un auteur, c'est grosso modo l'équivalent d'être nommé Main du Roi. Cet avantage a permis à Shakespeare de plus grandes libertés pour son travail ; il était en position d'écrire et de commenter sur la monarchie et la condition humaine

__Shakespeare choisissait souvent des figures médiévales comme sujets pour ses méditations dramatisées sur le pouvoir, quand ce n'étaient pas de véritables figures historiques : les Richard, les Henry, les empereurs romains... George R. R. Martin se sert également de l'histoire pour sa série A Song of Ice and Fire, plus particulièrement celle de l'Angleterre. Shakespeare s'est servi dans les Chroniques d'Holinshed's et d'autres livres d'histoires, puisqu'il appréciait d'emprunter des personnages et des concepts historiques ; Martin adopte quant à lui une philosophie analogique, étant un avide lecteur d'histoire britannique. Les deux auteurs utilisent la même méthode pour leur mythologie, en combinant leur voix propre à des bouts d'histoire qui servent leur narration. Mais l'histoire ne suffit pas pour rendre une fiction bonne. Emotions, psychologie et intelligence sont des des aspects essentiels et à approfondir. Martin utilise des allusions aux travaux de Shakespeare pour atteindre son plus haut niveau d'art : il accède aux périls et aux émotions de plusieurs arcs Shakespeariens, afin de donner profondeur et ambiguïté à ses personnages. C'est au sein de ce paradigme de trônes et de jeux que les personnages jouent pour accéder au pouvoir que les travaux des deux auteurs convergent. Plus particulièrement, si on s'intéresse à deux exemples : Hamlet et Macbeth.

→→→Hamlet & Jon Snow

__Le prince Hamlet est le personnage dont on parle le plus dans la littérature, et Hamlet est l'une des pièces de Shakespeare les plus jouées. Cette dernière suit le prince du Danemark, un homme qui en surface n'est pas sans rappeler le futur Lord Commandant de la Garde de Nuit, Jon Snow. Jon et Hamlet sont tous les deux des jeunes hommes, doués à l'épée, et plutôt boudeurs quand on les rencontre. Des problèmes familiaux les affectent profondément ; ils portent leur mélancholie à la vue de tous. Mais ils ont aussi des différences, car Martin n'allait pas non plus tout plagier. Hamlet est souvent représenté vêtu de noir, mais contrairement à Jon, qui est plutôt rapide à agir, Hamlet ne peut pas se décider quand des options se présentent à lui. Hamlet est également doué avec les mots, contrairement à Jon, qui, dans l'épisode 9 de la saison 4, dit à Sam qu'il n'est pas un "foutu poète !" Les deux hommes partagent cependant des similarités dans leur relation avec leurs pères et amantes.


__Hamlet Sr. était le roi du Danemark, mais est mort au début de la pièce. Le prince Hamlet n'a jamais eu l'opportunité de se réconcilier avec ce dernier, puisqu'il était au loin, étudiant en Angleterre. Il rentre pour les funérailles vers le début de la pièce. A Game of Thrones débute de façon similaire, avec la mort de Jon Arryn, la Main du Roi, provoquant les événements de l'histoire. Arryn était une figure paternelle pour Ned Stark et Robert Baratheon ; sa mort et son absence représentent le basculement dans le chaos du royaume. La mort du roi et l'usurpation du Trône de Fer qui suivent rappellent ce qu'il se produit dans Hamlet. Cependant, au lieu d'un bâtard prenant le trône, c'est le frère du roi, Claudius, rappelant un autre thème majeur d'ASOIAF : la rivalité fraternelle.

__Les conflits entre frères pour un trône sont quasiment omniprésents dans la saga. Dans les prequels - la trilogie Dunk & Egg - des détails de l'affrontement entre le Dragon Rouge et le Dragon Noir sont constamment mentionnés, de sorte que le lecteur comprenne que les conflits politiques au sein d'une même famille sont trés courants dans cet univers, tout come dans Hamlet. C'est un thème dans lequel on se retrouve facilement : les conflits familiaux, et ainsi les deux auteurs présentent une vérité universelle, qu'ils mélangent au sein de machination pour le pouvoir. Aegon IV a légitimisé ses bâtards sur son lit de mort, créant une guerre civile entre les Feunoyrs et les Targaryen. Les conflits entre frères ne cessent pas dans la série : Aegon et Rhaenyra ; Aigreacier et Freuxsanglants, la mort de Baelor aux mains de son frère dans les prequels ; Stannis tuant Renly, puis le conflit entre Euron et Victarion Greyjoy ; le désir de vengeance de Tyrion cotnre Jaime ; même la trahison de Theon de Robb est une sorte de trahison entre frères, puisqu'ils avaient grandi ensemble. Le duel d'Hamlet et Laertes, se terminant par la mort de ce dernier, reste dans cette idée, puisque l'union d'Hamlet et Ophélie avait fait de Laertes, le frère de celle-ci, un membre de la famille d'Hamlet.

__Hamlet prend place dans un système féodal fondé sur la trahison, comme Port-Réal. Hamlet condamne l'union de sa mère et de son oncle, ce qui en un sens peut faire penser à la relation incestueuse de la reine Cersei. La relation d'Hamlet et Ophelia, et son rejet de cette dernière afin de comploter contre son oncle, menant la jeune fille à sa fin tragique, évoque aussi Jon et Ygritte. La mort d'Ygritte est également une conséquence indirecte de la prétendue loyauté de Jon pour sa cause. Ces deux personnages montrent aussi qu'ils savent 'jouer la comédie' en jouant un rôle pour rentrer dans les bonnes grâces d'un roi, Jon se faisant passer pour un déserteur auprès de Mance, Hamlet un lunatique auprès de son oncle. Certains critiques ont interprété qu'Hamlet avait des problèmes psycho-sexuels : ses tourmentes Freudiennes auprès de sa mère dans la chambre à coucher par exemple. Hamlet libère sa supposée rage Œdipienne sur l'espion Polonius en tentant d'assassiner son oncle/beau-père. Jon a aussi des problèmes avec les femmes : sa mauvaise relation avec Catelyn en semble être la source, ainsi que son désir de connaître l'identité de sa mère biologique. Il n'a pas pu coucher avec Ros à cause de ses complexes de bâtard et de sa peur d'engendrer un enfant illégitime. Ygritte le fait dépasser ça, mais le fait que Jon ait choisi son devoir pour la Garde plutôt que son amour pour elle le place dans le camp Hamlet, ce dernier étant prêt à sacrifier Ophélie si cela peut lui permettre de découvrir si Claudius a oui ou non empoisonné son père. Ce sont à travers ces figures sombres et mélancoliques au cœur de ces deux histoires que plusieurs thèmes émotionnels sont développés, et Martin parvient à faire référence à la tragédie danoise tout en restant subtil.


→→→Macbeth & Stannis Baratheon

__Macbeth est aussi une histoire médiévale évoquant le désir de devenir roi, et comme ASOIAF, des forces surnaturelles et magiques se mêlent à l'intrigue principale. Malgré cette similitude, les deux textes gardent comme trame principale le désir humain pour le pouvoir ; l'aspect fantastique reste en arrière-plan. La figure Macbethéene d'ASOIAF semble être Stannis, et Melisandre peut être vue comme une fusion de Lady Macbeth et des trois soeurs. Stannis est un fils cadet et derrière les "enfants" de Robert dans l'ordre de succession. Quand Robert meurt, Stannis et Melisandre se servent de magie du sang pour éliminer ceux qui gênent le passage de Stannis, dont le "fils" de Robert, Joffrey. Le thème de l'utilisation de forces occultes pour voler un trône est fort dans les arcs de Stannis et Macbeth. La trope de l'assassinat d'enfants pour garder le pouvoir en est un autre. Macbeth est le cousin du roi Duncan d'Ecosse. Quand il rencontre les trois sorcières, elles lui prédisent qu'il sera fait seigneur de Cawdor puis deviendra roi. Melisandre, comme les trois sorcières, voit l'avenir. Stannis se fait prédire par Melisandre (dont beaucoup parlent comme d'une "sorcière rouge") que comme Macbeth, il deviendra roi. Ce parallèle semble intentionnel, faisant de Stannis une figure tragique dont la mort semble imminente dans les prochains romains.

__Au début, Macbeth et Stannis ne possèdent qu'un seul titre. Stannis est sire de Peyredragon, tandis que Macbeth dit être seigneur de Glamis. Il finit par devenir seigneur de Cawdor, tandis que Stannis prend Accalmie avec le bébé démon de Melisandre. Macbeth est "contraint" de tuer son allié, Banquo, et choisit de détruire également Macduff, puisqu'il refuse de plier le genou, ce qui n'est pas sans rappeler les morts de Renly, Robb, Balon, et Joffrey par Stannis. Stannis semble un homme dur à l'extérieur, un général puissant, et un soldat redoutable au combat. Macbeth est toutes ces choses également ; les deux hommes ont malgré tout une certaine douceur et sont facilement influencés par les femmes de leurs vies, Stannis ayant une profonde tendresse pour sa fille, tandis que Lady Macbeth parle de la gentillesse de son époux. Un autre parallèle est l'absence d'héritiers mâles. Macbeth jure qu'il a été maudit, tandis que l'épouse de Stannis n'a mis au monde que des mort-nés. Stannis et Macbeth sont tous les deux des grands hommes avec des défauts, traçant la route pour quelqu'un d'autre.


__Après le meurtre de Duncan, Malcolm et Donalbain - les fils de Duncan - s'échappent en Angleterre et en Irlande. Donalbain dit à son frère de se méfier des sourires qui cachent des lames : il reconnait le danger d'hommes comme Littlefinger, qui agissent comme la vipère cachée dans l'herbe. Les enfants s'étant échappé dans d'autres pays reviennent avec une armée pour se venger, une autre trope de Shakespeare qu'on retrouve dans l'univers de Martin. Dany et son frère Viserys doivent fuir pendant la Rébellion de Robert ; la réapparition d'Aegon VI avec une armée rappelle le retour de Malcolm en Ecosse, avec Jon Connington faisant office de Seward, l'expert militaire loyal au côté du jeune prince. Les derniers Stark, Sansa, Arya, Bran, et Rickon sont tous en "fuite" mais semblent se diriger vers un retour en force, comme le fils échappé de Banquo, Fleance. La justice doit être rendue, et tous les hommes doivent mourir. Car en fin de compte, un autre parallèle apparaît entre ces histoires : ce sont des tragédies de vengeance. Mais encore une fois, Martin retourne les attentes : alors que l'histoire se poursuit, Stannis semble prendre la direction opposée de Macbeth, de la même façon que Jon différent d'Hamlet. Macbeth était un homme bon et aimé, qui est devenu un tyran ; Stannis n'avait aucun amis, mais réalisé qu'un bon roi doit faire passer le royaume avant lui-même.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire