mercredi 9 juillet 2025

Un miracle

Des ailes insoupçonnées prenaient le vent, s’en gorgeaient, qui le relevèrent vers le ciel. En bas reculaient les terribles aiguilles de glace. En haut s’ouvraient les nues. Et il montait, montait. C’était autrement bon que de grimper. C’était meilleur que tout. Là-bas, dessous, s’amenuisait le monde. « Je vole ! » s’écria-t-il avec délices. Première nouvelle, dit la corneille à trois yeux qui, prenant l’air, vint le gifler de ses rémiges, l’aveugler, freiner son ascension puis, se laissant chavirer sans cesser de lui battre les joues, se mit à lui becqueter violemment, tout à coup, le milieu du front, juste entre les yeux. « Mais qu’est-ce qui te prend ? » glapit Bran, fou de douleur. La corneille ouvrit le bec, émit un croassement, mais strident comme un cri d’effroi, et la brume grise frémit, parcourue de remous, se déchira, tel un voile, et, progressivement, l’oiseau se métamorphosa en femme, en une vraie femme, une servante aux longs cheveux noirs, et Bran se rappela l’avoir déjà vue quelque part, à Winterfell, oui, c’est ça, il se souvenait d’elle, à présent, et il comprit alors qu’il se trouvait à Winterfell, juché tout en haut d’un grand lit, dans une chambre de quelque tour glaciale, et la femme aux cheveux noirs, laissant tomber une cuvette qui se fracassa sur le sol, se ruait dans l’escalier en criant : « Il s’est réveillé ! Il s’est réveillé ! Il s’est réveillé ! » Il se tâta le front, entre les yeux. L’emplacement des coups de bec demeurait cuisant mais ne saignait pas, ne portait trace d’aucune plaie. Tout faible et chancelant qu’il se sentait, Bran voulut sortir du lit mais ne put faire un mouvement. Alors, quelque chose bougea, près du lit, quelque chose vint, d’un bond léger, se poser sur ses jambes, sans qu’il éprouvât la moindre sensation. Des yeux jaunes, aussi brillants que le soleil, se plongèrent dans les siens. La fenêtre était ouverte, et il faisait froid, dans la pièce, mais la chaleur qui émanait du loup le vivifia comme un bain bouillant. Son chiot... mais était-ce bien lui ? Il était si gros, à présent. Il avança la main pour le caresser, et sa main tremblait comme une feuille. Quand Robb franchit le seuil en trombe, tout hors d’haleine d’avoir gravi l’escalier quatre à quatre, le loup-garou léchait ardemment la figure de Bran. Et Bran lui dit d’un air paisible : « Il s’appelle Eté. » A Game of Thrones, Bran III

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