lundi 18 décembre 2023

George R.R. Martin et son avis sur la magie

    

___C'est tricher d'utiliser la magie comme un Deus ex Machina, je déteste ça. La magie ne devrait jamais résoudre le problème. J'ai vu pleins de cas dans des livres où la magie arrange les choses. L'ennemi nous envahit, tout ce qu'il faut c'est de se rappeler de la formule. Mais impossible de se rappeler de la formule. Et dans le dernier chapitre, on s'en souvient, blah blah blah. C'est horrible.
___Vous voyez Sword & Sorcery ? Conan le Barbare ? Quand on remonte à ces bouquins, ceux de Robert E. Howard que j'ai lu quand j'étais petit, dans Sword & Sorcery, le héro souffre à cause de la magie, la magie n'est jamais de son côté, c'est les méchants qui se servent de la magie. La magie est l'obstacle, et il faut franchir l'obstacle. Conan passe son temps à tuer des sorciers, il n'a jamais d'allié qui pratique la magie, qui jette des sorts ou autre chose du genre. Cette façon dont la magie n'est jamais un Deus Ex Machina, c'est plus contrasté.
___Dans mes livres, la magie apparaît à un niveau assez bas, j'ai dû écrire beaucoup moins de magie que les autres auteurs de fantasy. La plus grosse manifestation de magie sont les dragons de Daenerys, je les ai introduit très tôt, et je ne pense pas qu'elle les utilise comme des Deus Ex Machina. Ils sont un symbole de magie, ils représentent une puissance passée.
” Sedice, août 2008

___La magie ne devrait jamais être la solution au problème. Mon credo en tant qu'auteur, c'est ce qu'a dit Faulkner quand il a reçu son prix Nobel : le cœur humain en conflit avec lui-même, est la seule chose qui est intéressante à écrire. Ca transcende les genres. C'est de ça que traitent les bonnes histoires, les bons drames : les humains qui ont des problèmes. Il faut prendre une décision, il faut faire quelque chose, votre vie ou votre honneur est en danger, ou vous vivez une crise identitaire. Pour une fin satisfaisante, le protagoniste doit résoudre le problème, ou échouer à le résoudre, mais se débat avec le problème d'une façon rationnelle, et c'est ce que doit ressentir le lecteur. Si le héro gagne à la fin, il faut que cette victoire soit satisfaisante, méritée. Le danger avec la magie, c'est que la victoire ne soit pas méritée. Vous voilà soudainement au dernier chapitre, et vous avez un deus ex machina. Le héro se rappelle soudain que s'il se sert d'une certaine plante pour faire une potion il aura la solution. C'est de la triche. Ce n'est pas satisfaisant, ça fait une histoire bas de gamme. La fantasy bien écrite, comme celle de Tolkien : il construit Le Seigneur des Anneaux parfaitement, dès le début. La seule façon de se débarrasser de l'anneau c'est de le jeter dans les flammes de la montagne où il a été forgé. Vous savez ça dès le début. Et imaginons que vous viviez tout ça, et d'un coup à la fin du dernier livre Gandalf se rappelle soudainement d'un sort pour se débarrasser de l'anneau facilement ! Vous auriez détesté ça. Ca n'aurait pas été bien. La magie peut gâcher les choses. La magie ne devrait jamais être la solution. La magie peut faire partie du problème.” The Austin Chronicles, août 2013

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