samedi 6 janvier 2024

Devenir mère

→→La maternité ne me vint pas facilement. Je l'affrontai comme les soldats affrontent l'ennemi, caparaçonnés et raidis, épée levée pour parer les coups. Cependant, mes préparatifs ne se révélèrent pas suffisants.
→→Je remercie les dieux de ne pas avoir eu besoin de dormir. A chaque instant, je devais laver, faire bouillir, nettoyer, frotter et mettre à tremper. Comment était-ce possible, alors qu'il avait lui aussi besoin de quelque chose à chaque minute : manger, être changé, dormir ? J'avais beau l'envelopper de couvertures, le bercer et chanter, il hurlait, s'étouffant à moitié, tremblant jusqu'à ce que je craigne qu'il ne se fasse du mal. Il y avait en lui l'équivalent d'un océan de chagrin, possible à endiguer pendant un moment, mais intarissable.
→→Nous trouvions tout de même quelques moments de paix. Lorsqu'il dormait enfin, qu'il tétait mon sein, qu'il souriait à la vue d'un groupe d'oiseaux perchés sur un arbre. Je le contemplais alors, en proie à un amour si intense qu'il semblait me déchirer les entrailles. Je dressai une liste de tout ce que je ferais pour lui. Me brûler la peau jusqu'à ce qu'elle pèle. M'arracher les yeux. Marcher à m'en mettre les os des pieds à vif, si seulement il pouvait être heureux et bien portant.
 Circé, Madeline Miller - Chapitre XVIII

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